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 août 10

1.4 – Les steppes glacées

   Posted by: Le_Bébert   in Divers

Dès l’aube, les compagnons se concertent sur la stratégie à adopter. Ils ignorent ce qu’ils doivent affronter mais ils sont persuadés de l’existence d’une menace imminente en provenance du col nord. Depuis les terres inhospitalières des tribus Karandaques! Si la plupart des compagnons ont foi dans la vision victorieuse que leur ont envoyé leurs dieux et bonnes étoiles, la prêtresse est particulièrement inquiète. Nul n’ose remettre en cause la véhémence des paroles de Ul envers l’entité destructrice et l’aspect urgent de sa requête divine.

C’est donc la mine sinistre que les nouveaux administrateurs du village décident de partir ensemble en direction de la menace inconnue et terrifiante. Durant leur périple, les renforts de Tol Marin resteront à défendre les villageois. De nouveau sur la route après ces mois de responsabilités civiles, les camarades retrouvent l’enthousiasme que seul confère l’aventure en bonne compagnie et se lancent à l’assaut de la montagne. Des heures durant, ils grimpent le sentier rendu glissant par la fonte progressive de la neige, portés par les chants revigorants du barde.

Mais une surprise de taille les attend en arrivant sur le plateau : les traces gigantesques sont toujours présentes! Trois mois de chute de neige ne les auront affectées : cicatrices immuables sur un sol blanc immaculé. Le fond des pas semble dégager une chaleur magique et repoussante. L’inspection de la trace la plus en aval devient rapidement désagréable, il est difficile de la regarder et de se tenir à côté sans se sentir nauséeux. En tournant leur regard cette fois vers le haut de la pente, ils distinguent un promontoire rocheux qui était, quelques mètre auparavant, hors de vue.

Comme ils continuent leur chemin dans cette direction, la sorcière devance le groupe et escalade la paroi jusqu’au promontoire. Elle y découvre des inscriptions complexes, l’ensemble formant un cercle et reflète encore une faible lueur malsaine. La calligraphie est repoussante et indéfinissable tout comme les divers résidus qui ont servi à la tracer. La pierre, qu’elle croyait être gravée, lui semble avoir été rongée par l’acide de l’encre. De sa position, la nyssienne constate que, si quelqu’un se tenait ici lorsque le monstre descendait la pente, il ne pouvait plus le voir au delà de la dernière trace. Bien que cela ne peut être une coïncidence, aucun ne peut expliquer ce phénomène autrement que par l’intuition.

L’ascension vers le col nord se poursuit, chaque minute devenant plus pénible que la précédente. Le froid est plus mordant et le vent plus cinglant que de mémoire de montagnards. Pas de printemps dans les steppes arctiques! Mais avec courage, la troupe continue sa progression jusqu’à atteindre enfin l’étroit passage du col nord. Au delà, nul ne sait ce qui s’y trouve. Le rôdeur décide de partir en éclaireur, conscient de l’urgence d’intervenir, quoi qu’il se trame.

Dès que celui-ci repasse sous les nuages accrochés aux sommets, il aperçoit des colonnes de centaines d’hommes confluant vers un campement démesuré, au pied de ce versant du col. Suivi de loin par ces compagnons, il se rapproche le plus possible et découvre une étrange mise en scène. Un homme, visiblement magicien, se trouve au centre de l’attention de dizaines d’autres, probablement des chefs des tribus Karandaques qui ont fait le déplacement. Le magicien, mutilé d’un bras depuis peu si l’on en croit ses mouvements maladroits, acompli un rituel infâme au centre d’un cercle calligraphique identique à celui du promontoire.
Démoniste
Rejoint par ses amis, l’observateur leur explique la situation alors qu’au même instant, des clameurs montent du camp. Tous les présents devinent une masse hideuse se former dans un brouillard grossissant rapidement devant le magicien! La stupeur est totale pour les aventuriers dont l’envie d’intervenir se dispute à la panique, face à l’impossibilité d’échapper à cette marée humaine. C’est la dryade qui prendra l’initiative en faisant apparaitre son esprit gardien juste à côté de l’invocateur. L’ours éthéré rugit aux mollets du magicien ce qui a raison de sa concentration et le met en fuite, dissipant ainsi le rituel.

Les Karandaques présents sont indécis. Certains poursuivent l’imposteur qui se disait prophète. D’autres se dirigent vers la cachette des aventuriers, peu dupes de la présence de perturbateurs. Une course poursuite s’engage parmi les rochers saillants et les crevasses sans fond du glacier, en direction du col nord. Progressivement, les poursuivants gagnent du terrain sur la sorcière et la dryade, incapables de tenir le rythme. Conscientes qu’elle mettent le groupe en danger, elles s’immobilisent pour faire face à la menace et tenter de les ralentir un peu. Ne pouvant tolérer un tel sacrifice, tous font demi-tour, déterminés à les emmener en sureté. Ou périr en essayant.

Dans cet élan désespéré, chacun y voit une manière glorieuse d’en finir avec… une mule et un vieux mineur ?! Sorti de nul part, ou plutôt comme s’il avait toujours était là, le bonhomme au rire contagieux et son fidèle animal, occupent désormais tout l’espace entre la troupe et les Karandaques. Ceux-ci stoppent leur poursuite lorsque le couple étrange se met à grandir jusqu’à devenir quatre ou cinq fois plus grand que le plus imposant des guerriers. Des rayons de lumière percent les nuages chargés de neige et révèlent un instant des reflets divins dans les traits de l’homme et de son familier qui arrive à prendre des airs farouches.

Les Karandakes maintenant en fuite décident qu’il est temps de rejoindre leur territoire. Le vieux mineur et sa monture ayant tout naturellement retrouvé leurs tailles d’origine, il prie penaudement les champions de garder le silence sur cette intervention. Car après tout il n’a rien fait, il passait juste par là, tout le mérite leur revient. Ils les enjoint avec entrain à retrouver les leurs au village et prendre du repos car d’autres aventures les attendent bien assez tôt. Pour l’heure, les Karandaques ne savent invoquer un démon majeur mais ce n’est qu’une question de temps avant qu’un autre magicien ne trouve le moyen et le courage.

De retour au village, les aventuriers sont heureux d’apprendre qu’un nouvel enfant est né en leur absence. En l’honneur de la renaissance du village on lui donne son nom : Garath, ce qui signifie « du village de Gara ». Quant aux aventuriers, ils forment la Niù Gara ce qui signifie « espoir de Gara » en Ulgo.

Fin du chapitre 1
A suivre dans la prochaine partie…